La Cappadoce, située dans le centre de la Turquie actuelle, à l'histoire plurimillénaire, est célèbre pour ses paysages uniques de formations rocheuses, ses habitations troglodytiques et ses églises rupestres.
Les premières traces d'occupation humaine en Cappadoce remontent au Néolithique, il y a plus de 10.000 ans. Des villages se forment dès le VIIIe millénaire avant notre ère et une première civilisation se développe. Ainsi la population de Çatal Höyük, une cité dans la plaine de Konya, atteint plusieurs milliers de personnes au début du VIe millénaire avant J.-C.
Site néolithique de Çatal Höyük
Photo de Umut Özdemir ( © Ministère de la Culture et du Tourisme de Turquie, via Unesco)
Au IIe millénaire av. J.-C. les Hittites y établissent la capitale de leur empire : Hattusha (actuelle Boğazkale). La région, essentiellement agricole, commerce intensément avec les Assyriens qui exploitent déjà des mines d’or, d’argent et de cuivre comme l'attestent les nombreuses tablettes en cunéiforme découvertes en Anatolie.
Bas-relief hittite représentant le dieu Sharruma et le roi Tudhaliya
(Carole Raddato/Flickr - CC BY-NC-SA)
Vers 1200 av. J.-C., l'Empire hittite s'écroule face aux attaques de divers peuples venus de la Méditerranée ou de l’ouest de l’Anatolie. Les Assyriens tenteront d’imposer un temps leur domination avant de laisser la place aux peuples environnant, Phrygiens, Lydiens et Mèdes. Finalement, Cyrus le Grand, après avoir soumis les Mèdes, intègre la Cappadoce à l’Empire perse au VIe siècle avant J.-C.
La Cappadoce conserve néanmoins une certaine autonomie. Une indépendance qu’elle consolide, au IVe siècle, quand son roi Ariarathe Ier se rallie à Alexandre le Grand qui envahit la Perse. Deux siècles plus tard, Ariarathe IV se retourne contre la dynastie grecque des Séleucides et s’allie cette fois aux Romains. Cette alliance leur permet plus tard, en 92 avant J.-C., de refouler Mithridate VI, le roi du Pont, le royaume situé sur la côte méridionale de la mer Noire. Fidèle à Rome, la Cappadoce soutient successivement Pompée, Jules César, Marc Antoine et enfin Octave. La Cappadoce est finalement intégrée à l'Empire romain en 17 après J.-C. sous Tibère. Elle perd alors son indépendance et devient une province romaine stratégique, à la frontière de l'Empire parthe et plus tard de l'Empire sassanide. La Cappadoce s’imprègne alors de la culture gréco-latine puis se christianise aux IIIe et IVe siècles malgré les persécutions de Dioclétien.
Avec la partition de l’Empire romain, en 395, la Cappadoce passe contrôle byzantin et la région devient un centre chrétien majeur comme l’illustrent les nombreuses églises et monastères troglodytiques encore visibles de nos jours.
Parc national de Göreme et sites rupestres de Cappadoce (Turquie)
Photo de Umut Özdemir ( © Ministère de la Culture et du Tourisme de Turquie, via Unesco)
A partir de VIIe siècle, les raids arabes sont fréquents mais la région résiste pendant quatre siècles. Malgré quelques occupations musulmanes, sporadiques et limitées dans le temps, la Cappadoce reste chrétienne et de langue grecque. Pour se protéger la population multiplie les refuges et les habitations souterraines, parfois réunies en une véritable ville aménagée pour y vivre : greniers, étables, citernes, bassins, réfectoires, églises, etc.
La cavalerie byzantine chasse les Arable à la bataille d'Andrassos en 960
Après cette période d'insécurité, les victoires de l'empereur Nicéphore II Phocas contre les Arabes au cours de la seconde moitié du Xe siècle rétablissent en Cappadoce la paix et la prospérité. C'est à partir de cette époque que la Cappadoce voit se creuser et se peindre de ses plus belles églises rupestres.
L'église sombre de Göreme
Nickmard Khoey Historical Archive via Flickr -CC BY-NC-SA 2.0
Après la bataille de Manzikert en 1071, les Turcs seldjoukides prennent le contrôle de la Cappadoce. La population chrétienne de la région sera préservée sous la domination seldjoukide et la coexistence entre les communautés chrétiennes et musulmanes se maintient encore quelque temps quand la Cappadoce est intégrée à l'Empire ottoman au XVe siècle.
A partir du XVIe siècle, la population chrétienne est de plus en plus discriminée. Elle n’a guère d’autre choix que de quitte les lieux ou de se convertit à l'islam. Ceux qui restent adoptent la langue turque et échappent ainsi aux taxes imposées aux non-musulmans. Ils évitent aussi de voir l’enlèvement de force de leurs enfants mâles pour en faire des janissaire.
Au XVIIIe siècle, les derniers ermitages troglodytiques sont abandonnés. À la même époque, le grand vizir, Damat İbrahim Pacha, fait de sa ville natale, Nevşehir, la capitale régionale qu'elle est encore aujourd'hui.
Au XXe siècle, conformément au traité de Lausanne de 1923, les derniers Cappadociens chrétiens sont expulsés du pays vers la Grèce et la Cappadoce se fond dans la toute nouvelle République de Turquie.
Ce n’est qu’après les années 1950 que le tourisme fait redécouvrir, à l'ensemble du monde, le patrimoine historique de la Cappadoce et l’exceptionnelle richesse de ses paysages.
Aucune culture, aucune religion, aucune civilisation n'est à l'abri de la destruction.
Jacques Ruffié
Village en actuelle Cappadoce
(@Kyrenian/Altuggalip via Istanboul Tourism)
Cheminées de fée formées et en formation.
(Grizurgbg, CC BY-SA 3.0)
Cheminées de fée dans la "vallée de l'amour"
(Lanzonnet, CC BY-SA 3.0)
Paysage cappadocien.
(Brocken Inaglory via CillanXC, CC BY-SA 3.0)
La petite ville d'Ortahisar, en Cappadoce
(Brocken Inaglory, CC BY-SA 3.0)
L' Église rouge (Kızıl kilise) datant du VIe siècle
Vallée d'Ilhara
La vallée d'Ilhara présente de nombreux vestiges d'églises et constructions monastiques, décorées de peintures de type cappadocien local. Ces édifices montrent également l'influence de la Perse et de la Syrie à l'est. Ils sont pour la plupart antérieurs à l'iconoclasme des VIIIe et IXe siècle.
Fresque au plafond de l'église Daniel Pantonassa, vallée d'Ihlara (smus, CC BY-SA 3.0 )
Fresque de l'église Yılanlı (l'église à serpent)
(Dosseman, CC BY-SA 4.0)