Économie : basculement de logique en vue

Tout système économique fini par être remplacé par le suivant. Le système féodal a tenu quelques siècles puis il a disparu. A son tour le capitalisme tel que nous le connaissons pourrait bien disparaître dans les décennies à venir.

 

La logique capitaliste atteint  ses limites.

Depuis le 19ème siècle, avec la révolution industrielle, la taille des usines n’a cessé de croître. Cette évolution vers le gigantisme et la concentration des moyens de production s’explique par la nécessité pour les industriels de réduire la part des coûts fixes dans le prix des produits Après l’industrie lourde, cette logique s’est étendue au monde rural avec l’essor de l’agriculture intensive, puis au commerce avec les grands magasins et les grandes surfaces.

Aujourd’hui, l’industriel doit continuer d’investir des sommes colossales pour soutenir la concurrence et survivre dans un monde globalisé. Il ne peut maintenir son profit qu’en baissant les coûts de production et notamment les frais de personnel. Pour cela, il peut se rapprocher d’un concurrent pour mutualiser les moyens, éliminer les « doublons » et réduire ses frais de structure. Cette voie conduit au processus de fusion ou d’acquisition entre concurrents dont on connaît les détresses sociales qu’elles génèrent. Il peut aussi délocaliser la production dans des pays à bas coût de main d’œuvre ce qui lui permet de réduire la masse salariale. La limite est atteinte quand les salariés des pays en développement finissent pas retrouver un contexte qui leur permet d’exiger une revalorisation de leur traitement. Vient alors l’ultime réponse de l’employeur : la robotisation qui réduit les frais de personnel à moins de 10% des prix de revient. La logique capitaliste atteint alors ses limites.

 

Tout système économique fini par être remplacé par le suivant.

Le système féodal a tenu quelques siècles puis il a disparu. A son tour le capitalisme donne des signes d’essoufflement avec ses crises à répétition, ses inégalités croissantes et ses impacts négatifs sur l’environnement. L’inévitable mutation commence .(1)

Les produits de la consommation de masse ne répondent plus aux attentes des consommateurs. L’ère des grands parcs industriels, loin des marchés finaux, touche à sa fin. Le modèle qui émerge avec les nouvelles technologies entraine un retour du balancier vers le local dans presque tous les secteurs : l’énergie,  l’alimentation, les biens manufacturés, les services.

Les énergies fossiles par exemple (charbon, pétrole, gaz, fission nucléaire) nécessitent de très grosses infrastructures : extraction des matière premières, transports, raffineries, centrales thermiques ou nucléaires, réseaux de distribution, etc. Les énergies renouvelables sont pour une large part produites et utilisées près des lieux de consommation. C’est particulièrement vrai pour le solaire photovoltaïque. De plus en plus compétitives, les énergies renouvelables finiront par devenir la source dominante de l’énergie consommée par les humains.  Les villes intelligentes organiseront les échanges d’électricité entre les citoyens eux-mêmes producteurs d’énergie. Les batteries des véhicules électriques et des habitats seront interconnectées et participeront à la régulation du réseau pour gérer l’intermittence de la production caractéristique des énergies renouvelables.

Pour se nourrir, la tendance de fond est également vers le local et les circuits courts. Le coût d’approvisionnement des produits venant des campagnes environnantes est considérablement réduit tout comme leur empreinte carbone. L’agriculture fait même son apparition au cœur des villes : cultures maraichères sur les toits, fermes verticales, jardins partagés et  arbres fruitiers bordant les avenues des villes nouvelles, etc. Du coté des protéines animales, la viande de culture in vitro, n’est déjà plus une chimère. Celle-ci peut être produite en zone urbaine car elle ne nécessite de grande emprise de sol contrairement à l’élevage intensif. Dun point de vue gustatif et nutritionnel, elle promet d’être rigoureusement identique à la viande que nous consommons actuellement, voire meilleure sur le plan sanitaire.

Concernant les biens manufacturés, l’impression 3D rend possible la matérialisation des produits sur les lieux de consommation ou à proximité.  La liste des produits imprimables en 3D s’allonge tous les jours tant pour les usages personnels que pour les usages professionnels ou industriels (impression de pièces complexes d’avions, de trains, de voitures… ). Dans le domaine de la santé humaine, il est maintenant possible d’imprimer des os ou des tissus (peau, rétine…). Même des bateaux ou des maisons s’impriment aujourd’hui en 3D.

Les imprimantes 3D, domestiques ou regroupées en ateliers urbains, pourront fabriquer de façon personnalisée les produits dont nous avons besoin. Elles remplaceront les usines des pays à bas coût de main d’œuvre qui produisent les objets standardisés qui inondent la planète.

 

L'immatériel change la donne

Par ailleurs les biens matériels renferment de plus en plus de composants immatériels. Les logiciels et les algorithmes de l’intelligence artificielle se retrouvent dans les objets du quotidien, dans les smartphones ou encore dans les voitures appelées à devenir autonome. De nombreux biens ou services se sont même totalement dématérialisés :  la musique et le cinéma  circulent sous forme de fichiers,  les agences bancaires sont remplacées par des services en ligne. Avec la technologie blockchain, la digitalisation s’accélèrera pour la monnaie et les documents officiels (actes notariés, contrat de mariage, certificat de décès, permis de conduire, etc.).

L’entrée en force de l’immatériel dans l’économie modifie considérablement les termes de l’échange. La caractéristique des produits immatériels est que le coût de production d’une unité supplémentaire, le coût marginal, est pratiquement nul. Les coûts de productions ne sont plus pour l’essentiel que des frais fixes. D’où de nouveaux modèles économiques avec des produits ou services gratuits, ce qui implique que les revenus soient tirés de fonctionnalités annexes comme la publicité.  De plus, comme le remarque Serge Soudoplatoff (1) quand on partage un bien matériel, il se divise ; par exemple avec une pizza partagée en quatre, chacun n’en obtient qu’un quart ; quand on partage un bien immatériel, il se multiplie : un fichier mp3 envoyé à dix amis, procure à tous le même fichier entier.

Les nouvelles technologies sont aussi relativement peu gourmandes en capitaux. Elles favorisent l’innovation et autorisent l’accès aux marchés de nouveaux entrants qui lancent leurs affaires là où ils vivent sans voir besoin d’énormes moyens financiers.

Le retour de l’économie vers le local n’est pas antinomique de la globalisation planétaire. Bien au contraire les producteurs locaux sont des vecteurs d’échange (tutoriels, bonnes pratiques, cours et formation en ligne, logiciels, art et cultures, etc.). Ils gomment les frontières, qu’elles soient ethniques, religieuses, linguistiques ou autres. Ils contribuent à faire advenir le village planétaire. C’est pourquoi les nouvelles technologies  se heurtent souvent  aux populistes et aux conservateurs qui mènent des combats d’arrière garde alors que la mondialisation qu’ils refusent est déjà en train de changer de visage. Les citoyens vont prendre peu à peu le contrôle d’une partie des moyens de production et la pyramide de pouvoir s’inversera. Le fonctionnement décentralisé et interconnectée de la société va devenir plus démocratique et remettre en cause les fondements du capitalisme de l’ère industrielle. Le bien-être des citoyens et la préservation de l’environnement deviendront des priorités devant l’intérêt économique de quelques uns..

 

La changement sera  considérable et rapide

On sous-estime souvent le chemin qui peut être parcouru en quelques décennies. Entre le saut de puce du premier avion des frères Wright en 1903 et le premier pas sur la Lune de Neil Amstrong ,en 1969, seulement 66 ans se sont écoulées. En à peine 50 ans, la puissance des puces informatiques a été multipliée par 10.000 et leur coût a été divisé par 10 millions. Nous entamons actuellement une nouvelle mutation de grande ampleur, technologique et sociétale, qui va changer le monde encore plus vite. Peu de personnes en sont encore conscientes.

 

(1) L’Apogée, l’Avenir en Perspective” – Jacques Carles et Michel Granger (Pygmasoft, 2020)
(2) Conférence à l’Ecole Normale Supérieure de Paris (février 2010).


Un changement en prépare un autre

Nicolas Machiavel



Histoire thématique


Lectures

 

La révolution technologique, qui se déroule sous nos yeux, va bouleverser nos modes de vie et refonder la civilisation humaine. L'ouvrage décrit les bouleversements auxquels la génération actuelle sera confrontée dans les années à venir et durant lesquelles le destin de l’humanité va se jouer. Au-delà d’une synthèse remarquable sur tous les changements en cours dans notre monde actuel, les auteurs incitent à la réflexion. Quelle société sommes-nous en train de construire ? Quel futur ne voudrait-on pas ? Quel avenir serait souhaitable ?


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