Une épouse peut porter plainte devant le Tribunal de l’Impuissance pour exiger des dommages et intérêts d’un mari coupable de pannes…
Enluminure extraite du Décaméron de Jean Boccace (en italien : Giovanni Boccaccio),),
(Source : Ente Nazionale Giovanni Boccaccio)
En France, c'est en 1426 qu'est prononcée la première annulation de mariage connue pour impuissance sexuelle. Du XVIe au XVIIIe siècles, l'absence d'érection constitue un motif de divorce recevable par le Tribunal de l'impuissance. Les femmes peuvent ainsi assigner leur mari devant cette instance pour obtenir l'invalidation de leur mariage.
Encore du temps de Louis XIV, l’Église considère qu’un homme qui n’honore pas sa femme se soustrait à l’injonction divine de perpétuer l’espèce. Une épouse peut donc porter plainte pour exiger des dommages et intérêts d’un mari coupable de pannes…
Ainsi, le 8 février 1659, le Marquis de Langeay, tout nu, fut sommé de défendre son honneur en hissant bien haut le drapeau de la virilité devant une cour composée de prélats assistés de médecins et d’hommes de loi. Le pauvre marquis ne leva rien du tout et repartit la queue entre les jambes… Il dut céder une partie de ses bien son épouse, le mariage fut cassé et il eut interdiction de se remarier tant que son épouse serait en vie.
Dieu dût avoir quelques remords, car après le décès de son ex-épouse, quelques années plus tard, le marquis de Langey trouva une autre femme avec qui il eut six enfants,
miniature d’un parchemin du XVe siècle extrait d’un ouvrage de Gautier Map
( Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France )
Au XVIIIe siècle un cas bien documenté est celui de l’annulation du mariage entre Adrien Charles Beffroy, bourgeois de Laon en Picardie, âgé de 23 ans, et Catherine Cordien. Dans ce cas, le procès pour impuissance semble avoir été un prétexte pour obtenir la nullité du mariage à la suite des pression de la famille de la mariée.s.
Les jeunes gens se marient en 1739 mais le père de la mariée réprouve ce mariage car il a d’autres projets pour sa fille. Aussi peu après le mariage, la jeune Catherine déclare l’impuissance de son époux Beffroy dont une malformation rendrait impossible la consommation dudit mariage. Pourtant le mari jure ses grands dieux qu’il a consommé plusieurs fois le mariage et sa femme qui prétexte des excuses pour échapper à son devoir conjugal et qu'à présent elle se refuse à lui "en croisant les jambes".
L'affaire est portée devant le tribunal et instruite par l’autorité religieuse de la paroisse. Les documents produits lors du procès consistent en procès-verbaux d’enquêtes ainsi qu’en interrogatoires du voisinage et de la famille. Les médecins se déplacent également au domicile du couple pour examiner le mari et ses "parties servant à la génération". Avec le temps le Sieur Beffroy déménage à Paris où, en 1741 , il accepte que où des médecins viennent le visiter et constatent des anomalies physiques qui confirmeraient leurs soupçons d’impuissance. Au bout de trois années de procédure, le mariage est finalement annulé et le père de la belle Catherine peut rechercher un parti plus avantageux pour sa fille...
Source : Archives départementales de l'Aisne
« Le Verrou » de Jean-Honoré Fragonard, huile sur toile, vers 1777-1779.
(Musée du Louvre)
L'impuissance est la seule tare de l'homme non transmissible héréditairement.”
Alfred Sauvy
Extrait des registres du greffe de l’officialité et cour spirituelle de Reims relatif à la cassation du mariage de Catherine Cordien et Adrien Charles Beffroy pour impuissance, 20 août 1742 (Arch. dép. Aisne, B 2743). - Cliquez sur l'image pour agrandir le document