L’accent circonflexe reste un exemple fascinant de la manière dont l’orthographe peut préserver l’histoire et les racines étymologiques d’une langue.
Y+L’accent circonflexe est un diacritique de l’alphabet latin hérité du grec ancien, constituée simplement de la réunion d'un accent aigu et d'un grave. Il est apparu pour la première fois en français au XVIe siècle. Appelé circumflexus en latin (« fléchi autour ») il deviendra circonflecte en français avant de prendre sa forme définitive de circonflexe.
Au début, l’accent circonflexe a un rôle un peu particulier. C’est un grand signe qui relie deux lettres pour montrer la prononciation de fausses diphtongues. L’accent circonflexe n’a alors qu’une fonction de liaison. Cet usage mentionné par Jacobus Sylvius, l'auteur de la première grammaire française, restera longtemps assez élastique et variera d'un imprimeur à l'autre. L'accent circonflexe sera aussi utilisé pour suggérer l'inflexion à utiliser pour la lecture à haute voix. Antoine Furetière dans son dictionnaire, paru en 1690, indique que si l'accent aigu relève un peu la syllabe et que le grave la rabaisse, le circonflexe, qui est composé de deux autres, étend leur son.
Enfin l'accent circonflexe commence à être utilisé pour indiquer la suppression de certaines lettres. Ainsi, en ancien français, les mots comportaient souvent un "s" là où l’on retrouve aujourd’hui un accent circonflexe. Les Français du Moyen Âge prononçaient encore cet "s", mais peu à peu, il a cessé d’être prononcé. Les imprimeurs, pour conserver la mémoire de ce "s" disparu, ont adopté l’accent circonflexe, influencés par des grammairiens comme Jacques Peletier du Mans.
L’usage de l’accent circonflexe se consolide et se normalise au XVIIe siècle, notamment avec la publication du Dictionnaire de l’Académie française en 1694. À partir de ce moment, l’accent circonflexe est employé systématiquement pour indiquer l’absence d’une lettre, généralement un "s" mais parfois aussi une autre lettre : par exemple l’accent circonflexe de âge, qui s’écrivait "aage" en vieux français, est la mémoire de cette double voyelle longue.
L’accent circonflexe conserve aussi un rôle pour différencier des homonymes, comme par exemple sûr et sur, jeûne et jeune, etc. Enfin, parfois, la langue française aimant les difficultés, la suppression du "s" ou de toute autre lettre, n’a pas donné lieu à un accent circonflexe. Ainsi "otage", venant de" hostage" aurait pu s'écrire "hôtage" alors que les anglais ont gardé le vieux mot français de Guillaume le conquérant : à Londres "otage" se dit toujours "hostage". Non seulement ils ont gardé le "s" mais ils ont également conservé le "h".
Académie française, 23, quai de Conti à Paris
(Flickr/btwashburn - CC BY 2.0)
L'accent circonflexe est l'hirondelle de l'écriture.”
Jules Renard
Un accent rendu facultatif
Depuis la réforme de 1990 du Conseil supérieur de la langue française, approuvée par l’Académie française, l’accent circonflexe est devenu optionnel sur les lettres i et u des mots où il figurait jusqu’alors, pourvu qu’il n’y ait pas d’ambiguïté possible avec un autre mot. Ainsi on peut désormais omettre l’accent circonflexe de mots comme maitre, flute, huitre, etc. Par contre, pour éviter les confusions possibles, il faut conserver l’accent circonflexe, dans la terminaison de certains verbes (au passé simple), comme par exemple pour dû. De même il faut continuer de mettre l’accent circonflexe sur des mots comme mûr, jeûne, sûr pour les différencier de leurs homonymes
Circonflexe et caron
Il existe un autre symbole diacritique similaire à l'accent circonflexe, le caron. Ce dernier ressemble à un circonflexe avec la pointe vers le bas. Il est surtout présent dans les langues slaves et dans les langues tonales.