Marie Curie (aux environs de 30 ans)
La jeunesse en Pologne
Marie Curie est née en 1867 à Varsovie, en Pologne, à une époque où le pays était un royaume sous le contrôle de l'Empire russe. Son nom est alors Maria Skłodowska, celui de ses parents, Władysław et Bronisława Skłodowski, dont elle est la cinquième et dernière enfant. Son père est professeur de physique et de mathématiques, et sa mère est institutrice.
Maria n’a encore qu’une dizaine d’années quand elle perd coup sur coup sa sœur Zofia, victime du typhus en 1878 puis sa mère qui meurt de la tuberculose, en 1878. Son père, qui reporte son affection sur ces enfants survivants, veille sur leur éducation avec beaucoup d’exigence. Maria est alors une excellente élève, première dans pratiquement toutes les matières. Elle obtient son diplôme de fin d’études secondaires avec la médaille d’or en 1883.
Elle rejoint alors l'Université volante, organisation clandestine qui pratique l'éducation des masses en polonais, en réaction à la politique de russification imposée par les Russes.
L’arrivée en France et la réussite des études supérieures
Maria aimerait poursuivre de vraies études supérieures mais c’est impossible à Varsovie en raison de l'interdiction faite aux femmes d'accéder à l'enseignement supérieur en Pologne. Sa sœur ainée a la même ambition. Elles décident alors toutes les deux de s’aider mutuellement. Bronia part à Paris étudier la médecine et Maria se met au service d’une famille bourgeoise de province pour gagner l’argent nécessaire pour soutenir sa sœur et se faire elle-même un peu d’économie en vue de la rejoindre plus tard.
En 1891, elle peut enfin rejoindre Bronia , qui la loge à Paris et l’aide à son tour. Maria s’inscrit à la faculté des sciences de Paris qui ne compte alors que 27 femmes sur 776 étudiants. Elle maitrise vite le français et toujours aussi brillante, deux après, en juillet 1893, elle est reçue première de sa promotion à la licence de physique. Elle décide de compléter sa formation en suivant des cours de mathématiques. L'année suivante, en juillet 1894, elle est reçue seconde à la licence de mathématiques.
Pierre et Marie Curie (1898)
La carrière scientifique : le prix Nobel en moins de 10 ans
Grâce à un coup de pouce de la « Société d'encouragement pour l'industrie nationale » elle obtient, en 1894, un contrat pour effectuer des recherches sur les propriétés magnétiques de différents aciers au sein du laboratoire de Gabriel Lippmann, futur prix Nobel de physique et futur président de l’Académie des sciences. Ce travail lui donne l’occasion de rencontrer Pierre Curie qui lui aussi travaille sur ce sujet dans le laboratoire voisin de l'École municipale de physique et de chimie industrielles. Une collaboration s’établit entre eux qui débouche bientôt sur une relation plus intime. Elle se marie avec Pierre Curie, le 26 juillet 1895.
Devenue désormais Marie Curie, elle prépare la publication de ses premiers travaux de recherche sur les aciers et, en même temps, elle prépare l’agrégation pour devenir professeur. En 1896, elle tente le concours : elle est reçue première à l’agrégation de mathématiques. Marie ne deviendra cependant pas enseignante : elle décide de préparer un doctorat et de faire carrière dans la recherche. C’est aussi à cette époque de sa vie qu’elle donne naissance à sa première fille, Irène, le 12 septembre 1897.
Pour son doctorat, Marie choisit comme thème de recherche le rayonnement uranique que vient de découvrir Henri Becquerel. Cette forme de rayonnement est alors appelée ainsi car elle n’a été observée que pour l’uranium. Installée dans les laboratoires de l'École municipale de physique et de chimie industrielles de Paris, elle commence par mesurer l’intensité de ces rayonnements ionisantes émis par divers sels et minéraux contenants de l’uranium. Pour cela elle utilise un électromètre piézoélectrique, mis au point par son mari Pierre Curie et son beau-frère Jacques Curie. L’instrument se révèle d’une grande précision pour quantifier l’effet des rayonnements sur l'ionisation de l'air. Elle met ainsi en évidence que l’intensité de rayonnement des composés d’uranium ne dépend pas de la forme chimique dans laquelle se trouve l’uranium mais qu’elle est fonction de leur teneur en uranium et donc de l’atome d’uranium lui-même. Elle nomme radioactivité cette propriété intrinsèque de l’uranium. Cette découverte fondamentale sera présentée à l’Académie des sciences le 12 avril 1898 par Gabriel Lippmann
En 1898, Pierre Curie abandonne ses propres recherches pour explorer avec Marie ce nouveau champ pour la science qu’est la radioactivité. Ils font venir de Bohême plusieurs tonnes de pechblende radioactive afin d’isoler dans ce minerai d’uranium la ou les substances radioactives. A l’issu d’un long et dangereux travail de raffinage du minerai ils parviennent à isoler à côté de l’uranium, deux autres éléments très fortement radioactifs, jusque-là inconnus : le polonium, et le radium. Le polonium, quatre cents fois plus radioactif que l'uranium, estenregistré ainsi par l'Académie des sciences qui donne à ce nouvel élément un nom en référence à la Pologne, pays d’origine de Marie Curie.
Marie Curie est alors l’étoile montante du milieu scientifique du début du vingtième siècle. Elle est nommée maître de conférence à l’École normale supérieure de jeunes filles de Sèvres, en octobre 1900, avant même d’avoir obtenu son doctorat. Elle poursuit ses recherches encore trois années avant de soutenir sa thèse, le 25 juin 1903, devant le jury de la faculté des sciences de l'université de Paris. Son mémoire de thèse, intitulé sobrement « Recherches sur les substances radioactives », lui vaut la mention « très honorable ».
Peu après avoir obtenu son diplôme de docteur ès science, le 10 décembre 1903, Marie reçoit avec son mari Pierre, le prix Nobel de Physique qu’ils partagent avec Henri Becquerel. Elle est la première femme à recevoir un prix Nobel
Marie et Pierre Curie (1903)
De la Sorbonne au second prix Nobel
En 1904, Pierre Curie est nommé professeur à la Sorbonne, titulaire d’une chaire de physique spécialement créée pour lui et Marie prend la direction du laboratoire de recherche associé à cette chaire. Cette belle année sera par ailleurs illuminée par la naissance de leur seconde fille, Eve, le 6 décembre 1904.
Le bonheur sera de courte durée. Le 19 avril 1906, Pierre meurt dans un accident de circulation après avoir été renversé par un fiacre à Paris, du côté du Pont Neuf. Marie Curie a du mal à s’en remettre mais son travail va l’aider à surmonter cette épreuve. L’Université de Paris lui propose de remplacer son mari. Elle devient la première femme professeur à la Sorbonne tout en continuant de diriger son laboratoire universitaire. Elle est alors une icône pour les féministes de l’époque
Après la publication de son Traité de radioactivité, en 1910, elle se présente à l’Académie des Sciences. Il ne lui manque que deux voix pour être élue. L’Académie, encore très conservatrice lui préfère un homme, Édouard Branly ; il lui faudra encore un demi-siècle pour accepter une femme dans ses rangs. L’année suivante, en novembre 1911, Marie Curie sera encore la seule femme présente au premier congrès des grand organisé par l’industriel Ernest Solvay. Elle y côtoiera Max Planck, Albert Einstein, Ernest Rutherford et de nombreux autres savants en vue. Quelques jours après la fin de ce congrès, la presse à scandales révèle sa liaison avec Paul Langevin, un professeur au Collège de France en instance de divorce. Les ultra-nationalistes, qui n’ont pas encore digéré l’affaire Dreyfus, montent une nouvelle affaire, l’affaire Langevin, pour lancer une violente campagne xénophobe. Marie Curie bien que veuve depuis 5 ans est présentée comme la « Polonaise venant briser un bon ménage français ». Plusieurs de ses soutiens lui tournent le dos, y compris le ministre de l’Instruction publique qui souhaite publiquement son retour en Pologne. Cela ne l’empêche toutefois pas de recevoir un nouveau prix Nobel, cette fois en chimie, pour la découverte du polonium et du radium. Marie Curie est la première scientifique à recevoir deux prix Nobel. En décembre 1911, elle ira chercher son prix à Stockholm, en Suède, en dépit des pressions politiques pour l’en dissuader et malgré les premiers symptômes d’une maladie pernicieuse. En effet, peu après son retour, les médecins diagnostiquent une maladie rénale qui nécessite une opération l’oblige à interrompre ses activités pendant une longue période.
La Première Guerre mondiale et l’Institut du radium
En 1914, juste avant la première guerre mondiale, l’Institut du radium, voit le jour, sous l’impulsion du professeur Émile Roux, directeur de l’Institut Pasteur.
Situé rue d’Ulm à Paris, il associe le laboratoire de physique et de chimie de Marie Curie, et le laboratoire Pasteur, qui travaille sur de nouvelles thérapies basées sur l'usage de la radioactivité du radium et de la radiographie aux rayons X, découverts par Roentgen.
Avec le déclenchement de la guerre, l’Institut du radium, doit cesser provisoirement ses activités de recherche. Marie Curie va utiliser ses compétences en radiologie pour aider les médecins sur le front en développant des unités mobiles de radiographie, ce qui contribua grandement à améliorer le diagnostic et le traitement des blessures. Dès l’obtention de son permis de conduire en 1916, elle ira elle-même sur le front avec ses « petites Curies » (voir encart à droite). Sa fille, Irène Curie, âgée de dix-neuf ans, se joint également à elle en tant qu'infirmière radiologique. Marie Curie transforme par ailleurs l’Institut du radium pour en centre de formation pour des techniciens radiologistes affectés dans les hôpitaux militaires.
La paix étant revenue, l’institut du Radium reprend son activité normale et Marie Curie y retrouve son poste. Sa fille Irène devient son assistante. Elle recevra le prix Noble à son tour en 1935 (voir encart à droite) Dans les années 1920, l'institut connait une période de croissance avec l’intérêt que rencontre le radium, non seulement pour ses effets thérapeutiques mais aussi pour les divers usages qu’on lui trouve, à tort ou à raison : crèmes rajeunissantes, effet phosphorescent pour les montres et réveils, peintures luminescentes, etc.
Marie Curie devient célèbre. Elle est présente aux côtés d'Albert Einstein dans la Commission internationale de coopération intellectuelle, un organe de la Société des Nations (SDN) qui préfigure ce que sera l'Unesco, qui la remplacera en 1946.
Très sollicitée, Marie Curie voyage aussi énormément. Le 11 mai 1921 elle débarque à New York pour une visite de près de deux mois aux États-Unis. La tournée est organisée par la journaliste américaine Marie Meloney, qui a lancé une levée de fonds auprès des femmes américaines pour lui acheter un gramme de radium. Ce cadeau lui est remis lors d’une cérémonie honorifique à la Maison Blanche à Washington.
Quelques années plus tard, les femmes américaines lui offriront de nouveau un gramme de radium qu’elle ira offrir à son tour aux chercheurs de Varsovie, dans sa Pologne natale avec laquelle elle garde des liens affectifs.
Une mort prématurée
L'exposition prolongée aux radiations tout au long de sa carrière finit par avoir des effets sur la santé de Marie Curie. Des problèmes aux reins, aux yeux et aux oreilles sont les premiers signes d’une maladie cancéreuse. Les médecins lui diagnostiquent une leucémie entrainant une anémie aplasique. Elle meurt le 4 juillet 1934, à seulement 66 ans, au sanatorium de Sancellemoz dans le village de Passy en Haute-Savoie.
L'héritage de Marie Curie est immense. Ses découvertes en radioactivité ont jeté les bases de nombreux développements ultérieurs dans le domaine de la physique nucléaire et de la médecine, tout en inspirant de nombreuses femmes à poursuivre des carrières scientifiques.
D'abord inhumée à Sceaux dans le caveau de la famille Curie, ses restes sont transférés avec ceux de son mari Pierre Curie au Panthéon à Paris le 20 avril 1995, en présence du président français François Mitterrand et du président polonais Lech Wałęsa.
Une notoriété
internationale
Statue de Marie Curie à Varsovie
Alberto Cabello from Vitoria Gasteiz, CC BY 2.0
Deux Musées sont entièrement dédiés à Marie Curie, l’un à Paris, l’autre à Varsovie. De nombreuses statues et monuments ont été érigés en son hommage. Des rues, des stations de métro, des collèges, des lycées, des universités, des hôpitaux et autres institutions portent son nom un peu partout dans le monde. Des billets de banque et des timbres ont été émis en son honneur.
Marie Curie en couverture de
Les Hommes du jour, 1911.
L’élément atomique numéro 96, découvert en 1944, a été nommé curium. Un astéroïde découvert en 1939, est nommé (7000)Curie Un cratère lunaire en 1961 et à un cratère martien en 1973 ont été baptisé Sklodowska. Des minéraux fortement radioactifs ont pour appellations la curite, la sklodowskite, et la cuprosklodowskite.
Enfin de nombreuses œuvres littéraires, films et documentaires ont été consacrés à la vie et à l'œuvre de Marie Curie, contribuant ainsi à sa notoriété continue.
Prix Nobel :
une affaire de famille
Pierre et Marie Curie ont eu deux filles : Irène et Ève.
Marie Curie avec ses filles, Ève et Irène
Source gallica.bnf.fr / BnF
Irène qui épouse Frédéric Joliot, reçoit le prix Nobel de chimie en 1935, avec son mari, pour leurs travaux sur la radioactivité artificielle
photo
Ève Curie épouse Henry Labouisse, directeur exécutif de l'UNICEF, lequel reçoit à ce titre le prix Nobel de la paix attribué à cette organisation en 1965.
Les petites Curies
Ambulance radiologique (type Massiot)
Durant la Grande guerre, Marie Curie participe, avec la Croix-Rouge, à la conception de dix-huit unités mobiles de radiographie. Ces véhicules équipés de générateurs de rayons X et de matériel de développement photographique, peuvent se rendre très près du front ce qui limite les déplacements des blessés. La radiographie des blessés permet de mieux localiser les balles et les éclats d'obus ce qui facilite l’intervention des chirurgiens. Les "Petites Curie", comme elles seront surnommées sauveront de nombreuses vies et auront eu un impact important sur la médecine de guerre.
Marie Curie au volant de sa voiture radiologique,(photo par Ève Curie)
Affiche du film de Alain Brunard (2000)
Le corps de Marie Curie est toujours radioactif
Quand Marie Curie meurt, après avoir été exposée aux radiations tout au long de sa carrière, sa dépouille se révèle radioactive. Par précaution, son corps est donc mis à l’intérieur d’une enveloppe de plomb de 2,5 mm d’épaisseur avant d’être placé dans un cercueil dont l’apparence est celle d’un cercueil en bois normal.
En 1995, la dépouille de Marie Curie et celle de son mari Pierre Curie sont transférées au Panthéon. Les scientifiques procèdent à une analyse du corps et constatent qu’il est toujours environ deux fois plus radioactif que la normale. Le radium ayant une période radioactive de 1600 ans, les restes de Marie Curie resteront radioactifs pour de longues années. Les autorités décident donc de la pose d’une nouvelle enveloppe de plomb pour les cercueils de Marie et de Pierre Curie devant être placés au Panthéon.
cercueils de Marie et Pierre Curie
au Panthéon
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Commentaires
On se demande ce que fout Mitterrand au panthéon !!!!!
Cette histoire est extraordinaire je vous remercie sincèrement pour cet artiste très instructif