Seul aristocrate député du tiers état à la première Assemblée nationale, Mirabeau fut le premier à entrer au Panthéon mais aussi le premier à en sortir pour finir dans une fosse commune du cimetière de Clamart.


Mirabeau arrive aux Champs Elysées où l’accueillent, entre autres, Montesquieu, Voltaire et Rousseau.
Dans la mythologie grecque, les champs Élysées, sont le lieu où les héros goûtent le repos après leur trépas.
(œuvre de Louis-Joseph Masquelier - gallica.bnf.fr/Bibliothèque nationale de France )

Les premières années

Honoré Gabriel Riquetti, comte de Mirabeau, qui sera surnommé l’orateur du peuple, est né en 1749, dans une famille aristocratique. Son père est issu d'une famille de la noblesse provençale et sa mère vient d'une famille de vieille noblesse picarde.
Son père, le premier de sa famille à ne pas embrasser une carrière militaire, est un économiste, très en vogue dans les différentes cours d’Europe. Il n’a guère d’affection pour son fils dont la laideur le repousse dès sa naissance. Les traces que laisse la petite vérole sur le visage du petit Honoré quand il n’a que trois ans n’arrangent pas les choses.
Après des études de droit à l'université d'Aix-en-Provence , Mirabeau intègre l’armée en 1768, alors que Gênes vient de céder la Corse à la France. L’île est cependant toujours aux mains des insurgés Corses. Mirabeau participe à la « conquête » de ce territoire devenu français. Il se repentira plus tard d'avoir été entrainé dans cette campagne militaire marquée par de nombreuses exactions.
Le jeune Mirabeau mène alors une vie dissolue et contracte dette sur dette au grand dam de sa famille. Malgré son mariage en 1772 avec la fille du Marquis de Marignane, Mirabeau continuer d’accumuler des dettes. Son influent père le fait emprisonner au château d’If pendant une année dans l’espoir de le ramener à la raison. Peine perdue, dès sa sortie de prison, Mirabeau retombe dans ses travers et il se retrouve placé en rétention surveillé au château de Joux en Franche-Comté.

Château de Joux
photo Ludo Rauscher (CC BY-ND 2.0)

Mirabeau, qui manie bien le verbe ,parvient à obtenir du gouverneur du fort l’autorisation d’aller à Pontarlier pour participer aux fêtes organisées pour le sacre de Louis XVI. Il y fait la connaissance de Sophie de Monnier, jeune femme mariée au marquis de Monnier. Mirabeau réussit à la séduire et il s'enfuit avec elle en Hollande. C'est là qu'il publie, en 1776, son Essai sur le despotisme.

En mai 1777, les amants sont arrêtés et reconduits en France sous escorte policière. Sophie, enceinte de Mirabeau, est placée en maison de santé à Paris. Après son accouchement d’une petite fille prénommée Gabrielle, elle est séparée de son enfant et enfermée dans un couvent, tandis que Mirabeau est emprisonné au donjon de Vincennes pour l’enlèvement de Sophie de Monnier. Il y restera jusqu’en 1780. Entre temps sa fille adultérine Gabrielle décède à l’âge de deux ans. Il publiera en 1782 Essai sur les lettres de cachet et les prisons d’État (1782). Sa femme demandera et obtiendra la séparation de corps. Sa correspondance avec sa maîtresse, les Lettres à Sophie, ne seront cependant publiée qu’après sa mort.
En 1786, grâce à l’appui de Talleyrand, il obtient une mission secrète à Berlin mais il n’y reste que six mois et n’obtient pas un autre poste diplomatique comme il l’espérait. De dépit il publie sa Dénonciation de l'agiotage en 1777 qui lui vaut une lettre de cachet l’exilant en Belgique pour plusieurs mois.

L’ascension politique

De retour en France, il se rapproche des milieux progressistes. Il adhère à Société des amis des Noirs, une association française qui a pour but de mettre un terme à l’esclavage dans les colonies et qui compte parmi ses membres des personnalités de premier plan : Condorcet, Brissot, La Fayette, l’abbé Grégoire, etc.

En 1789, Louis XVI convoque les États généraux. Cette assemblée des trois ordres (clergé, noblesse et tiers état) qui n’avait plus été réuni depuis 1614, a pour objectif de dégager des solutions à la crise financière et au marasme que connait le pays.

Mirabeau, aristocrate déclassé, se présente en Provence pour le compte du tiers état. Il est élu député d’Aix en avril 1789.

Ouverture des États généraux à Versailles, le 5 mai 1789
par Auguste Couder, Musée national du château de Versailles

Le 17 juin, alors que les députés de la noblesse et du clergé sont réunis dans des salles séparées, le tiers état, qui siège dans la salle du Jeu de Paume, se constitue en Assemblée nationale. Rejoints par 19 représentants du clergé, les députés déclarent, par 491 voix contre 90, que "la dénomination d'Assemblée nationale est la seule qui convienne [...] parce que la représentation étant une et indivisible, aucun des députés, dans quelque ordre ou classe qu'il soit choisi, n'a le droit d'exercer ses fonctions séparément de la présente Assemblée".
Le 23 juin le roi ordonne aux trois ordres de siéger en chambres séparées. Au marquis de Dreux-Brézé, venu rappeler l'ordre du roi, Mirabeau, le seul aristocrate élu du tiers état, réplique "Allez dire au roi que nous sommes ici par la volonté du peuple et que nous n’en sortirons que par la force des baïonnettes". Le 27 juin 1789, Louis XVI cède et invite la noblesse et le clergé à rejoindre le tiers état.
La révolution est en marche, avec Mirabeau en première ligne. C’est lui qui écrit le Préambule de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. C’est lui qui propose que la couleur blanche de la royauté soit remplacée par les couleurs bleu, blanc et rouge sur les bâtiments de la marine royale. En 1790 il fera au Club des Jacobin un vibrant plaidoyer pour l’égalité des blancs et des noirs dans les colonies.

Déclaration des Droits de l'Homme
par Claude Niquet, (gallica.bnf.fr/Bibliothèque nationale de France )

Le 2 avril 1791, à la surprise générale, Mirabeau meurt alors qu’il n’a que 42 ans. Les causes de ce décès soudain restent obscures. Dans Paris c’est la stupéfaction et ’émotion. A-t-il été empoisonné ou est-il mort des suites d’une maladie liée à sa vie de débauche ?
Les spectacles sont annulés et les parisiens se rendent en masse à son domicile pour lui rendre hommage. Sa disparition devient un deuil national. Condorcet, La Fayette, les grands personnages de la Révolution font son éloge. Les députés de l’Assemblée nationale votent, dès le surlendemain, la transformation de l'église Sainte-Geneviève en un Panthéon où seront inhumés les grands hommes de la Nation. Le 5 avril, Mirabeau sera le premier à y être transporté en grande pompe.

Du Panthéon à la fosse commune

Mirabeau ne va cependant pas rester bien longtemps au Panthéon. En août 1792,  après la destitution de Louis XVI, on découvre au palais des Tuileries une armoire de fer secrète où sont archivées des correspondances entre le souverain et certains révolutionnaires. Ces documents prouvent sans l’ombre d’un doute que, depuis 1790, Mirabeau recevait de l’argent en échange de conseils et d'informations qu’il transmettait au roi. Pour payer ses dettes, notamment envers des prostituées, Mirabeau, l’orateur du peuple, était devenu un traître !
Il n'était pas le seul. C'est pourquoi Jean-Marie Roland, le ministre de l’Intérieur, prend rapidement  les devants. Il fait disparaître les documents compromettants pour ses amis girondins et se concentre sur Mirabeau qui, mort, ne craint plus guère que l’opprobre. Le 20 novembre 1792, le Ministre présente aux députés de la Convention, la nouvelle assemblée du peuple, un dossier qui accable Mirabeau. Le député Philippe Rhül demande que le cercueil du traitre soit retiré du Panthéon. Après une enquête approfondie confirmant l'impensable, sa dépouille sera discrètement évacuée du Panthéon le 21 septembre 1794 pour être inhumée au cimetière de Saint-Étienne-du-Mont, voisin du Panthéon. En 1798, déchéance suprême, ses restes seront transférés dans une fosse commune du cimetière de Clamart.

Caricature montrant le squelette de Mirabeau sortant de l'armoire de fer.

Il n’y a pas loin du Capitole à la roche Tarpéienne 

Mirabeau


Honoré Gabriel Riqueti de Mirabeau
Portrait par Joseph Boze



Histoire thématique


L'histoire du Panthéon  devenu nécropole nationale

Le Panthéon
(Moonik, CC BY-SA 3.0)

A la mort de Mirabeau, le 3 avril 1791,la construction de la Basilique Sainte Geneviève, commandée par Louis XV à l’architecte Soufflot, vient d’être terminée il y a tout juste deux ans. Le duc de La Rochefoucauld propose de transformer l’édifice afin d’y accueillir le corps de « l’orateur du peuple » pour que « la tombe d’un grand homme devienne l’autel de la patrie ». Son idée est acceptée sans délai. Dès le 4 avril, la basilique devient par décret un panthéon pour les personnalités remarquables de la nation :il est temps que « la France consacre enfin aux amis du peuple ces monuments réservés autrefois aux hasards de la naissance et des combats ». Le jour même, on grave au fronton de l’ancienne église l’inscription « Aux grands hommes la patrie reconnaissante ».
Les funérailles de Mirabeau ont lieu le 5 avril, deux jours à peine après sa mort. Des centaines de milliers de Parisiens, formant un cortège de plusieurs kilomètres, accompagnent la dépouille du premier locataire du Panthéon.

En 1806, Napoléon Bonaparte restitue le Panthéon à l’église catholique, mais conserve la crypte pour y inhumer les maréchaux d’Empire.
En 1815, sous Louis XVIII, l’édifice redevient une église dans son intégralité. Elle ne redevient le Panthéon des grands hommes qu'en 1830, avec l’arrivée au pouvoir de Louis-Philippe.
En 1848, sous la Deuxième République, le monument est renommé Temple de l’humanité, avant de redevenir une église à l’avènement de Napoléon III, en 1851.
Ce n’est qu’en 1885, sous la Troisième République que l’édifice retrouvera définitivement son rôle de Panthéon, à l’occasion des obsèques de Victor Hugo.

A ce jour 81 personne (75 hommes et 6 femmes) reposent au Panthéon. On y trouve des personnalités politiques tels Sadi Carnot, Léon Gambetta, Jean Jaurès, Victor Schœlcher, Jean Monnet ou Simone Veil. Des résistants comme Jean Moulin, Germaine Tillion, Jean Zay ou Pierre Brossolette. Des scientifiques comme Paul Langevin ou Pierre et Marie Curie. Enfin des gens des arts et lettres comme Jean-Jacques Rousseau, Émile Zola, André Malraux, Alexandre Dumas ou Joséphine Baker.


Les deux visages de Mirabeau,

Il ne fait aucun doute que Mirabeau monnayait ses conseils auprès de Louis XVI et qu’il jouait un double jeu politique. Néanmoins il resta toute sa vie un homme de progrès acquis aux idées des Lumières.

S'il accepte d'aider Louis XVI en 1790, c'est  qu'il réalise que la révolution peut mener aux pires débordements. Il est convaincu qu'il faut s’en tenir à une monarchie parlementaire.

Malgré sa compromission avec le roi et sa vie dissolue, il faut   donc lui reconnaître quelques mérites.

Mirabeau a toujours été un farouche partisan de la liberté : il dénonce avec courage  l'arbitraire des des lettres de cachet; il défend la totale liberté de la presse; il est aussi de ceux qui vont investir la Bastille en vue de sa démolition en juillet 1789.

Mirabeau est encore  l'un des principaux rédacteurs des Droits de l’Homme et du Citoyen; il œuvre depuis toujours pour l'émancipation des noirs; il réclame l'abolition de la peine de mort pour les délits de droit commun. 

S'il est partisan de la nationalisation des biens de l'Église, cela  ne l'empêcha pas de prôner la liberté des cultes  et de jeter les premier jalons d'une république où l'Église serait séparée de l'État.

Il s'intéresse aussi à l'éducation et formule les premiers plans  pour une instruction publique des enfants de toutes les classes sociales.

Portrait de Mirabeau
par François-Louis Lonsing,


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