Tolstoï fut l'un des plus grands écrivains de la littérature mondiale. Bien qu’issu de la grande aristocratie russe, il fut aussi un penseur de la justice sociale et de la non-violence.


Le dernier portrait de Léon Tolstoï

Le dernier portrait de Léon Tolstoï en 1910

Léon Tolstoi voit le jour le 28 août 1828 à Iasnaïa Poliana, à quelque 200 kilomètres au sud de Moscou. C’est là que sa famille possède un grand domaine de 380 hectares. Son père, le comte Nicolas Iliitch Tolstoï, a combattu les troupes napoléoniennes  lors de la campagne de Russie de 1812 et sa mère, Marie Volkonskaïa, est issue de la famille princière des Volkonski.

Tolstoï n’a pas encore deux ans quand sa mère meurt d'une fièvre puerpérale. Il est alors élevé par sa tante Tatiana Ergolskaïa à Iasnaïa Poliana où il mène la vie d’un petit paysan de la campagne russe. La famille déménage à Moscou en 1837 mais son père meurt peu après quand il a tout juste neuf ans.  L’année suivante, sa grand-mère décède également et il et recueilli par sa tante, Alexandra Osten-Saxen. Mais là encore le sort s’acharne sur la famille et cette tante meurt à son tour. Finalement,Léon Tolstoï est placé sous la tutelle d’une autre tante, Pélagie Youchkov, la sœur d’Alexandra qui réside à Kazan.

En 1844, âgé de 16 ans, Tolstoï s'inscrit à la faculté des langues orientales de l'université de Kazan avec l’idée de devenir diplomate. Très vite il comprend que ce n’est pas sa voie et il se tourne vers des études de droit, sans davantage de réussite. Il quitte finalement l’université en 1847, à dix-neuf ans et il retourne pour quelque temps à Iasnaïa Poliana pour s’occuper de la partie du domaine qui lui est revenu en héritage

En 1851, son frère ainé Nicolas, militaire dans l’armée russe, le convainc de le rejoindre pour combattre les rebelles Tchétchènes et d'autres tribus musulmanes du Caucase du nord. C’est là que, profitant des accalmies du front, il rédige ses premiers écrits : "Enfance" (qui sera suivi plus tard par "Adolescence" puis par "Jeunesse), "l'Incursion", "Ainsi meurt l'amour", etc.

En 1853, il est envoyé en Crimée quand l’Empire russe doit affronter une coalition formée de l'Empire ottoman, de l'Empire français, du Royaume-Uni et du royaume de Sardaigne. Il sera profondément marqué par cette guerre de Crimée, une boucherie qui préfigure les horreurs de la première guerre mondiale, notamment lors du siège de Sébastopol. Il en tirera trois récits : "Sébastopol en décembre", "Sébastopol en mai "et "Sébastopol en août 1855".

Détail du panorama "La défense de Sébastopol"
Musée d'État de la défense de Sébastopol (photo Jacques Carles)

Après la chute de Sébastopol et la défaite de la Russie,  Tolstoï retourne dans ses terres de Iasnaïa Poliana où il aspire à retrouver la sérénité de la vie à la campagne.  Il en profite pour continuer d’écrire et il publie plusieurs contes et nouvelles qui rencontrent déjà du succès.

Sa gloire littéraire naissante et sa maîtrise de plusieurs langues étrangères l’amènent  à élargir son horizon. En 1857, il retrouve Tourgueniev à Paris qui l’introduit dans les cercles littéraires parisiens. S’ensuit une période de pérégrination qui lui fait parcourir l’Europe : la Suisse où il retrouve sa tante Alexandrine Tolstoï, l’Allemagne où il s’intéresse aux nouvelles pédagogies des écoles, à Londres où il rencontre Alexandre Herzen, un philosophe dont les idées contribueront à l'abolition du servage ou encore à Bruxelles où il a l’occasion d’échanger avec Proudhon, précurseur de l’anarchisme.

De retour en Russie, quand Alexandre II abolit le servage en 1861, Léon Tolstoï participe aux règlements des contentieux entre les propriétaires fonciers et les serfs dans le district de Krapivna

Lecture de la déclaration d'abolition du servage de 1861 (tableau de Grigori Miassoïedov)

Lecture de la déclaration d'abolition du servage de 1861
(tableau de Grigori Miassoïedov)

Tolstoï tombe amoureux de Sophie Behrs, fille d’un médecin de Moscou, qui est de seize ans sa cadette et l’épouse en 1862. Le couple s’installe à Iasnaïa Poliana. C’est là que Léon rédige " Les Cosaques ", une évocation de son expérience militaire dans le Caucase et qu’il commence son chef d’œuvre "Guerre et Paix" qui sera publié en feuilleton entre 1865 et 1869 dans Le Messager russe. Dans ce roman, basé sur l’histoire de la Russie à l’époque des guerres napoléoniennes, il montre  sa vision fataliste du monde où le libre arbitre tient peu de place face à un déterminisme qui nous échappe.

Guerre et Paix : la retraite de Moscou de Napoléon en 1812
(tableau d'Adolph Northen)

Tolstoï a franchi le seuil de la quarantaine. Il n’est pas d’un caractère facile et ses relations conjugales sont compliquées voire tourmentées. C’est dans ce contexte qu’il entreprend la rédaction d’Anna Karénine, un roman où le bonheur paisible d’un couple honnête formé par Lévine et Kitty Stcherbatskï s’oppose aux déboires et la passion coupable d'Alexis Vronski et d'Anna Karénine.

Illustration d'Anna Karenine :
Lévine et Kitty (par Elmer Boyd Smith)

Ce nouveau chef d’œuvre mettra cependant du temps pour être achevé car de nombreux drames vont frapper la famille. En 1873, son fils Pierre meurt de la diphtérie à l'âge de dix-huit mois. L’année suivante, un de ses autres fils, Nicolas, hydrocéphale de naissance, meurt lui aussi en bas âge. Puis deux de ses tantes, Toinette et Pélagie Youchkov, décèdent peu après. Pour finir, son épouse Sophie mettra beaucoup de temps à se rétablir après une fausse couche.
Tolstoï prend conscience de sa propre finitude et s’interroge sur le sens de la vie.  Il termine néanmoins Anna Karénine qui parait en 1877 mais les questions existentielles vont le poursuivre pour le reste de sa vie.

En 1879, il se tourne vers la religion mais il reste très critique vis-à-vis de l'Église orthodoxe russe dans ses ouvrages sur le sujet comme Ma confession , Quelle est ma foi ou Ma religion, un ouvrage qui sera un temps interdit. Tolstoï finira même par être excommunié après la parution de son roman Résurrection.

Il prône les valeurs simples du monde paysan et lui-même recherche une vie d’ascète, loin du luxe et du superflu et se révèle également un grand penseur dont l’influence est grande sur les mouvements sociaux, en Russie et ailleurs dans le monde (voir encart ci-contre).

Léon Tolstoï à Iasnaïa Poliana en 1908
(sa première photo en couleur en Russie de
Sergei Prokudin-Gorskii)

En 1910, de graves conflits familiaux avec sa femme et ses enfants qu’ils déshéritent s’ajoutent à son mal être. Il quitte le domaine familial pour rejoindre le monastère d'Optina qu’il pense être le bon refuge pour soigner ses angoisses et son âme torturée mais, arrivé dans l'oblast de Kalouga où se trouve le monastère, il change d’avis et prend le chemin du retour. Il mourra en route d’une pneumonie.

Le seul sens de la vie est de servir l’humanité.

Léon Nicolaïevitch Tolstoï


Tolstoï en 1848

Tolstoï en 1848

La famille Tolstoï

Léon Tolstoï est issu d’une vieille famille d’aristocrates. Outre de grands serviteurs de l’état, des écrivains et des militaires, il compte parmi ses ancêtre un seigneur mongol de la Horde d'or, Mamaï Khan, qui s’est réfugié en Crimée au XIVe siècle après avoir été chassé du pouvoir par les hommes de Tamerlan.

Mamaï Khan

Mamaï Khan
(Galagan Art Museum, Chernihiv, Ukraine)

Léon Tolstoï lui-même fut très prolifique, et pas seulement en tant qu’écrivain : avec sa femme il a eu treize enfants mais seulement huit d’entre eux sont parvenus à l’âge adulte,  cinq d’entre eux sont en effet morts en bas âge ou très jeunes.

Tolstoï et sa famille en 1887

Tolstoï avec ses petits-enfants, Sophie et Ilia

Tolstoï avec ses petits-enfants, Sophie et Ilia
(photo de Vladimir Chertkov)



Histoire thématique


La sonate à Kreutzer

Récit d'une tragédie conjugale, La Sonate à Kreutzer, fait polémique dès sa parution en 1889. Le titre fait référence à la sonate de Beethoven, connue sous ce nom, que joue l’un des personnages du roman. Avec ce texte, Tolstoï dévoile les paradoxes de sa personnalité et ses tourments profonds. Il montre son dégoût pour le mariage qu’il qualifie de "prostitution légalisée" et une certaine haine des femmes assimilées à la tentation. Alors que lui-même a eu treize enfants, il estime que les rapports charnels ne sont autres que du vice et que l’homme doit s’abstenir de procréer dans son propre intérêt.

Sophie, l’épouse de Tolstoï voit dans ce roman une attaque personnelle et lui répond en écrivant son propre roman, À qui la faute où elle met en regard, à travers ses personnages, la bestialité masculine et les aspirations plus spirituelles de la femme,

Léon et Sophie Tolstoï, un couple tourmenté

Léon et Sophie, un couple tourmenté


Léon Tolstoï labourant
(Tableau de Ilia Repine)

Un penseur épris de justice sociale et de paix

Tolstoï n’est pas seulement un grand romancier c’est aussi un penseur dont l’influence est grande sur les mouvements sociaux, en Russie et ailleurs dans le monde.

Dans des essais, comme Ce qu’il faut faire publié en1888, il dénonce l’État, une institution qui, selon lui, protège les privilèges des riches et maintient le peuple dans la misère et l’esclavage.
A plusieurs reprises, il exprime également son opposition à la guerre et à la violence, ce qui fera dire à Gandhi que Tolstoï fut "le plus grand apôtre de la non-violence" de son époque. Un message qui sera repris plus tard par Martin Luther King, Nelson Mandela et bien d’autres.

Libertaire censuré par l’État, anarchiste chrétien excommunié par l’Église orthodoxe, Tolstoï rêve d’un monde pacifique et de fraternité universelle.

Après sa mort, la censure tsariste détruira ses manuscrits.

Tolstoï à son bureau en 1908

Tolstoï à son bureau en 1908
(Sergei Prokudin-Gorskii)


Ajouter un commentaire

Commentaires

Jacob
il y a 2 mois

Article bien détaillé sur l'histoire de Tolstoï.

le guillou
il y a 2 mois

Merci pour cette bio, mais je n'ai pas compris :"En 1910, de graves conflits familiaux avec sa femme et ses enfants qu’ils déshéritent ..."?Qui déshérite qui ?