L'histoire du premier Africain arrivé d'Angola à bord d'un navire corsaire hollandais devenu riche et esclavagiste avant d'être rattrapé par le racisme.
La cueillette du coton dans une plantation
tableau de William Aiken Walker (CC0)
En 1619, un navire corsaire hollandais, contraint de rejoindre la terre la plus proche pour cause d'avarie, accoste en Virginie. A bord du navire se trouve une vingtaine d’africains que les corsaires ont enlevé sur un bateau négrier espagnol faisant route vers les Caraïbes.
Les Espagnols baptisaient leurs esclaves avant leur départ vers les colonies or, selon le droit anglais, les chrétiens baptisés ne pouvaient pas être esclaves. Le statut le plus proche que les anglais connaisseà cette époque est celui de l’indenture, un statut de servitude sous contrat qui prévoit qu’après une période donnée, le travailleur retrouve sa liberté et reçoive quelques terres. Ce statut va donc être appliqué aux noirs abandonnés par les Hollandais.
L’un d’eux, Antonio, originaire d’Angola, va vivre une histoire assez extraordinaire.
Il est d’abord cédé à un planteur blanc nommé Bennet comme serviteur sous contrat (indentured servant) pour travailler dans sa plantation de tabac. Sa situation est comparable à celle de nombreux ouvriers blancs venus d’Europe travaillant sous contrat pour payer leurs frais de passage, de logement, de repas, d'hébergement en attendant la liberté au terme d’une période convenue, généralement entre 4 et 7 ans mais parfois beaucoup plus.
En 1622, Antonio faillit perdre la vie lorsque la plantation de son maître est attaquée par des Powhatans, des indiens qui s’opposent aux colons. Au cour de cet affrontement les indiens tuent une cinquantaine d’hommes.
L’année suivante, en 1623, une femme d'origine africaine, prénommée Mary, arrive d'Angleterre pour rejoindre la même plantation qu'Antonio. Antonio et Mary se plaisent et se marient. Ils vivront ensemble plus de quarante ans.
Vers 1635, Antonio et Mary sont arrivés tous les deux au terme de leurs contrats. Antonio recouvre la liberté et se voit attribuer des terres comme promis. Il prend le nom de Anthony Johnson. Son nom d’homme libre, Johnson, apparait pour la première fois dans l’acte de vente du veau qu'il achète en 1647.
Ses affaires prospèrent. En 1651, il possède environ 100 hectares et compte cinq employés sous contrat : quatre blancs et un noir, John Casor. En 1653, John Casor, sous contrat depuis des années, estime qu’il est temps que lui soit reconnu le statut d’homme libre. Un fermier voisin de Johnson, Robert Parker, le soutien et l’engage. Johnson prétend au contraire que le contrat n’est pas terminé et il porte l’affaire devant le tribunal de Northampton. Après plusieurs hésitations et volte-faces , en 1655, le tribunal estime que John Casor "appartient" toujours à Anthony Johnson. Robert Parker doit "rendre" John Casor et il est condamné à payer les frais de justice. John Casor n’est d'ailleurs pas le premier, dans les colonies anglaises d’Amérique, à se retrouver malgré réduit à un statut d’esclave, tenu en servitude à vie sans avoir commis aucun crime. Avant lui John Punch, en 1640, un autre serviteur noir sous contrat, avait déjà été condamné, en Virginie, à la servitude à perpétuité en punition de son évasion en 1640. John Casor est toutefois le premier noir à se retrouver en servitude à vie auprès d’un maître afro-américain.
Anthony Johnson, propriétaire de fait d’un esclave noir, va voir ses affaires prospérer encore quelques années. Puis le contexte change. Vers 1660, sous l’influence des planteurs blancs, la Virginie commence d’adopter ses premières lois racistes. Les noirs libres de Virginie sont à présent perçus davantage comme des étrangers que comme des sujets anglais.
Anthony Johnson quitte alors la Virginie et s’installe avec sa famille dans le comté de Somerset, dans le Maryland, où il négocie un bail emphytéotique pour une grande propriété de 120 hectares. Johnson va y développer une belle plantation de tabac. À sa mort, en 1670, la propriété ne va cependant pas à ses enfants mais à un planteur blanc. Le juge chargé de liquider la succession considère que Johnson n’est pas un citoyen de la colonie du fait qu’il est noir. En 1672, sa veuve Mary ne laisse que quelques vaches en héritage. En 1677, John Jr., un des petits-fils d’Anthony et Mary, arrive malgré tout à achèter une exploitation de 18 hectares qu’il baptise Angola. Il meurt sans enfants en 1730. C’est la dernière trace connue d'un membre de la famille Johnson.
Anthony Johnston
né vers 1600, décédé en 1670
L'esclavage fait des monstres.
Giacomo Casanova
Histoire thématique
l’indenture : une pratique dévoyée par les planteurs
Au XVIIe siècle, la grande majorité des Africains vivant en Amérique du nord ne savaient ni lire ni écrire. Bien souvent ils ne maîtrisaient même pas la langue anglaise. Dans ces conditions, il était facile pour les planteurs de réduire en esclavage leurs travailleurs noirs en refusant de reconnaître leur droit à être libéré à la fin de leurs contrats.
Ajouter un commentaire
Commentaires