Les figures de style occupent une place essentielle dans l’histoire de la littérature française. Nées avec la rhétorique antique, elles ont évolué au fil des siècles en s’adaptant aux courants littéraires et aux préoccupations des auteurs. Elles témoignent de la richesse de la langue française et de son pouvoir d’évocation, qu’il s’agisse de sublimer un poème, de critiquer une époque ou de déconstruire le langage.
Les figures de style trouvent leurs origines dans la rhétorique gréco-romaine. Aristote, dans son ouvrage Rhétorique, analyse les moyens de persuasion, y compris l’usage de figures langagières. Les Romains, comme Cicéron et Quintilien, approfondissent cette réflexion. Quintilien, dans L’Institution oratoire, identifie des figures comme la métaphore, l’antithèse et l’hyperbole, qui deviendront fondamentales. Au Moyen Âge, la rhétorique reste influencée par les auteurs antiques, notamment dans les écoles monastiques. Les figures de style servent alors à embellir les discours religieux et à structurer les sermons.
Hoppin : Scène phlyaque : un maître et son esclave voleur
musée du Louvre, CC BY 3.0
Avec la Renaissance (XVIᵉ siècle), on observe un retour marqué aux textes classiques. Les poètes de la Pléiade, comme Ronsard et Du Bellay, mettent les figures de style au service de la poésie. Ils utilisent abondamment la métaphore, la comparaison et l’hyperbole pour exalter les sentiments humains et sublimer la langue française. Par exemple, la métaphore et l’allégorie deviennent centrales dans la poésie amoureuse et épique. Les poètes cherchent à rivaliser avec les modèles latins et grecs tout en développant une esthétique propre à la langue française.
Le regard révèle ce qui se trouve au plus profond de nous semble signifier cette icône orthodoxe comme la métaphore inspirée d'un texte de Cicéron (1er siècle avant J.-C.) : "Les yeux sont le miroir de l'âme".
Le classicisme impose des règles strictes en matière de style et de rhétorique. Les figures de style sont alors utilisées avec parcimonie pour ne pas heurter l’idéal de clarté et de sobriété recherché par les auteurs classiques. Racine, Corneille et La Fontaine maîtrisent les figures telles que l’antithèse, la litote et l’euphémisme. La litote est particulièrement prisée par exemple chez Corneille « Va, je ne te hais point » (Le Cid). La périphrase est fréquente chez La Fontaine, traduisant un goût pour l’élégance et la richesse expressive.
Pendant l’époque des Lumières, les figures de style servent à argumenter et à convaincre. Les philosophes comme Voltaire, Rousseau et Diderot emploient l’ironie, l’antiphrase et l’analogie pour critiquer la société, la religion et les institutions. L’ironie devient une arme de choix dans les œuvres polémiques. Les métaphores et les allégories illustrent particulièrement les grandes idées des Lumières.
Le XIXᵉ siècle marque un tournant avec l’explosion des figures de style dans des courants comme le romantisme, le réalisme et le symbolisme. Les écrivains explorent des formes plus libres et mettent en avant la subjectivité et les sensations. Les Romantiques (Hugo, Lamartine) favorisent les hyperboles, les antithèses et les apostrophes pour exprimer les passions et la grandeur de la nature. Les Symbolistes (Baudelaire, Mallarmé) s’appuient sur des figures comme la métaphore et la synesthésie pour évoquer des mondes invisibles ou suggérer des émotions complexes.
Le XXᵉ siècle voit une véritable explosion des figures de style, avec des expérimentations audacieuses. Les surréalistes (Breton, Éluard) utilisent des procédés comme l’oxymore et les images déconcertantes pour bousculer les normes. La poésie de l’absurde et le nouveau roman explorent également des formes nouvelles de langage. les jeux sur les sonorités : allitérations et assonances sont mises en avant dans une poésie plus orale. Les figures de rupture comme l’anacoluthe ou l’ellipse traduisent une volonté de déstructurer le langage.
Les principales figures de style
Le style est le vêtement de la pensée.
Sénèque
Le calligramme de Guillaume Apollinaire (ci-dessus) est une figure de style transformant les graphèmes, en les disposant selon un dessin.
Le Bibliothécaire de Giuseppe Arcimboldo,(1570). Grâce à la figure d’analogie, la toile d’Arcimboldo joue son rôle littéraire ou artistique : rendre possible ce qui ne l’est pas dans le réel. Le comparé est le buste du bibliothécaire, immédiatement reconnaissable. Le comparant est constitué de livres assemblés reproduisant la physionomie.